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Ce colloque aura lieu en présentiel sur le campus Condorcet Paris-Aubervillers ou en distanciel. L'inscription est obligatoire.
Penser le corps autrement : impasses cliniques et renouvellement des pratiques
Il n’y a pas de rencontre thérapeutique sans rencontre des corps. C’est pourquoi la question du corps a toujours été présente en psychologie et en psychopathologie, sous des formes et des éclairages variés. Tantôt réduit à un support biologique sur lequel se projettent les symptômes, tantôt envisagé comme lieu d’inscription du psychisme, tantôt encore pensé comme une instance de médiation entre le dedans et le dehors, le corps n’a jamais cessé d’être un enjeu central, quoique souvent implicite, dans la clinique. Or, depuis quelques années, un constat s’impose dans les différents courants de la psychologie contemporaine, qu’ils soient psychanalytiques, phénoménologiques, cognitifs ou systémiques : le corps redevient une préoccupation première. Il ne s’agit pas d’un simple effet de mode, mais bien d’un réinterrogation épistémologique. Cette insistance nouvelle sur le corps semble répondre à une forme de saturation, voire d’impasse, où les nombreuses prises en charge standardisées et/ou attendues ne suffisent plus.
C’est dans cet entrelacs, entre l’insuffisance des approches exclusivement subjectivantes (centrées sur le vécu, le récit, la parole), et les limites évidentes des approches uniquement objectivantes (centrées sur les marqueurs biologiques, les diagnostics, les symptômes visibles), que se manifeste l’enjeu fondamental du corps en clinique contemporaine. Le corps ne peut être seulement le lieu où se manifeste la plainte ou le dysfonctionnement, pas plus qu’il ne peut être seulement le miroir d’un mal-être psychique. Ce que les situations cliniques complexes nous forcent à reconnaître, c’est une coextensivité du somatopsychique, une intrication qui met en échec les catégories classiques et les modèles théoriques segmentés.
En soins somatiques, cette tension est particulièrement visible. Le corps y est, de manière évidente, le centre de l’attention : il est mesuré, scanné, opéré, traité. Mais ce corps, souvent réduit à ses organes ou à ses fonctions, est rapidement interprété comme porteur d’un trouble psychique, dès que les plaintes deviennent floues, chroniques ou résistantes. Le fameux "tout est dans la tête" est encore une réalité clinique. Pourtant, nombreux sont les patients qui, malgré l’absence d’éléments organiques tangibles, présentent une souffrance bien réelle, qui s’exprime précisément par le corps, mais qui n’est pas seulement corporelle. Ces patients deviennent vite les symboles vivants d’un impensé de la médecine moderne comme de la psychologie : leur corps ne répond pas aux modèles, et c’est toute la pratique du soin qui se retrouve en déséquilibre.
Comment accueillir ces patients sans tomber dans la médicalisation excessive ni dans la psychologisation hâtive ? Comment penser la douleur, la fatigue chronique, les troubles fonctionnels, les désordres neurovégétatifs, autrement qu’en termes d’échec diagnostique ou de résistance psychique ? Comment surtout entendre ce que le corps dit, quand il ne parle ni le langage de l’image médicale, ni celui du discours subjectif classique ? Ces questions deviennent d’autant plus cruciales que les situations rencontrées dans la clinique de la complexité appellent une posture d’écoute radicalement renouvelée.
Cette journée d’étude se donne pour objectif de porter l’attention sur ces situations limites où le corps semble prendre la parole au-delà des catégories existantes. Il s’agira d’explorer comment la complexité somatopsychique de ces tableaux cliniques force à penser autrement les processus en jeu : ni réductionnisme biologique, ni enfermement dans une subjectivité désincarnée, mais un tiers-chemin qui suppose une démarche intégrative, fondée sur la reconnaissance du corps comme acteur à part entière de la subjectivation.
Loin de se limiter à une réflexion théorique, cette journée propose également de nourrir une clinique du corps vécu, du corps éprouvé, du corps en relation, en s’appuyant sur des approches transversales. Car penser le corps, ce n’est pas seulement interroger un objet, c’est repenser l’ensemble des dispositifs de soin, de relation, et de compréhension du sujet.
Ainsi, cette journée est l’occasion de réfléchir ensemble à ce que le corps fait à la clinique, et ce que la clinique peut faire du corps, dès lors qu’on l’accueille non comme un symptôme, mais comme un lieu de sens, de mémoire, d’interrogation, de résistance et de transformation.
il ne s’agit pas simplement d’une question de technique ou de théorie, mais d’éthique clinique : ouvrir un espace où le corps du patient et le corps du clinicien puissent se rencontrer autrement, dans une co-présence sensible, capable de renouveler les chemins du thérapeutique et de redonner à la pratique toute sa créativité.
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